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II Actualité jurisprudentielle

Cour Constitutionnelle, 10 octobre 2013, n°133/2013

Questions préjudicielles – Articles 17 et 18 du CJ – Traitement identique entre action d’une personne morale correspondant à ses buts statutaires en vue de faire cesser des traitements inhumains ou dégradants et action d’une personne morale agissant pour défendre les intérêts de ses membres – Impossibilité d’introduire une action faute d’intérêt - Ne viole pas les articles 10 et 11 C° - Absence d’une disposition législative – Viole les articles 10 et 11 C°.

L’absence d’une disposition législative précisant à quelles conditions un droit d’action peut être reconnu aux personnes morales souhaitant exercer une action correspondant à leu but statutaire et visant à la protection des libertés fondamentales telles qu’elles sont reconnues par la Constitution et par les traités internationaux auxquels la Belgique est partie viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Découvrez le Communiqué de presse de DEI au sujet des implications de cet arrêt

CCE, 7 octobre 2013, n°111 386

Demandeur d’asile afghan – Refus – OQT annexe 13 septies et interdiction d’entrée annexe 13 sexies – Demande de suspension en extrême urgence - Connexité entre les 2 actes ? – Article 110terdecies AR 8 octobre 1981 – Actes distincts – Article 74/11, § 1 L. 15 décembre 1980 - Interdiction d’entrée accessoire d’un OQT – Lien de dépendance étroit – Effet suspensif de plein droit – Intérêt à agir – En principe pas – Mais grief défendable – Risque de violation d’un droit fondamental – Empêcherait de facto la mise à exécution d’un OQT – Extrême-urgence – Moyens d’annulation sérieux – Article 3 CEDH – Prima facie, pas d’examen aussi rigoureux que possible – Risque de préjudice grave difficilement réparable – Suspension de l’OQT – Plus d’urgence en ce qui concerne la décision d’interdiction d’entrée - Suspension de l’interdiction d’entrée rejetée.

L’interdiction d’entrée a été prise sinon en exécution de l’ordre de quitter le territoire, premier acte attaqué, en tous cas dans un lien de dépendance étroit. Les éléments essentiels de ces décisions s’imbriquent à ce point qu’il convient de statuer par un seul arrêt. Dans la mesure où le conseil procède à la suspension de l’OQT, qui en conditionne les effets, la demande en suspension d’extrême urgence de l’exécution de la décision d’interdiction d’entrée ne revêt plus le caractère d’urgence justifiant le recours à la présente procédure.

CCE, 8 octobre 2013, n°111 422

Demandeur d’asile congolais – Ordonnance prise en application de l’article 39/73 L. 15/12/80 – Requête en récusation – Article 828, 9° du CJ – Mesure avant dire droit – Conforme aux prévisions légales – Exception prévue par l’article 828, 9° CJ – Rejet.

Par l’ordonnance, le Président s’est limité à informer la partie requérante de la possibilité de recourir à une procédure purement écrite. Cette ordonnance relevant d’un acte « avant faire droit », elle entre dans les exceptions prévues par l’article 828, 9°, 1 du CJ, et ne peut dès lors, comme telle, constituer matière à récusation.

Nonobstant l’importance des apparences dans l’administration de la justice, le seul sentiment de « perte de confiance » de la partie requérante en un magistrat qui, comme il en a l’obligation légale, a motivé « avant faire droit » le recours éventuel à une procédure purement écrite, ne suffit pas à justifier objectivement ses appréhensions et à mettre en cause l’impartialité dudit magistrat lorsque celui-ci est amené à statuer sur le recours.

III DIP

Cour Constitutionnelle, 9 juillet 2013, n°96/2013

Réponse à questions préjudicielles – Conformité de l’art. 330, §1 C.civ. aux art. 22 Const. et art. 8 CEDH et aux art. 10 et 11 Const. ? – Recevabilité de la contestation de la reconnaissance – Possession d’état – Fin de non-recevoir absolue pour le père bio  –  Violation art. 22 Const. et art. 8 CEDH – Non violation art. 10 et 11  Const.

L’impossibilité absolue pour le père biologique de pouvoir contester la reconnaissance de paternité par un homme à l’égard duquel l’enfant a la possession d’état est une mesure disproportionnée quant aux buts légitimes du législateur car elle ne permet pas de ménager les intérêts contradictoires des personnes concernées.

Cour Constitutionnelle, 9 juillet 2013, n°105/2013

Réponse à question préjudicielle – Conformité de l’art. 318, §1 C.civ. à art. 22 Const et art. 8 CEDH ? – Recevabilité de la contestation de présomption de paternité – Possession d’état – Fin de non-recevoir absolue pour le père bio  – Mesure disproportionnée – Violation.

L’impossibilité absolue pour le père biologique de pouvoir contester la paternité du mari de la mère à l’égard duquel l’enfant a la possession d’état est une mesure disproportionnée quant aux buts légitimes du législateur car elle ne permet pas de ménager les intérêts contradictoires des personnes concernées.

Cour Constitutionnelle, 17 octobre 2013, n°139/2013

Réponse à question préjudicielle – Conformité de l’art. 330, §1, al. 4 C.civ. aux art. 22 , 22bis C.const. et art. 8 CEDH ? – Recevabilité de la contestation de reconnaissance – Délai de forclusion - Pas d’action au-delà du délai d’un an – Absence de fin de non-recevoir absolue – Non violation.

L’impossibilité d’agir en contestation de paternité au-delà de l’année de la découverte par le père biologique de sa paternité ne constitue pas une fin de non-recevoir absolue, mais fixe un délai pour agir qui se justifie par la volonté du législateur de garantir la sécurité juridique et le caractère définitif des relations familiales.

Cour d'appel Bruxelles (3ème ch.), 31 juillet 2013, RG n°2013/KR/80

Gestation pour autrui en Ukraine – Parents belges - Non reconnaissance des liens de filiation – Référé contradictoire –  TPI -  Demande de passeport belge ou laissez-passer pour l’enfant – Demande non fondée – Appel – Recevabilité – Besoin d’attaches véritables – Urgence – Caractère non mentionné – Ne suffit à être dénié – Respect de la procédure ukrainienne – Reconnaissance de paternité – non contraire à l’OP - Apparence de droit  - Pas de préjudice quant au fond – Droit à la demande de laissez-passer.

La demande d’un laissez-passer, à l’inverse de la délivrance d’un passeport belge, n’implique pas une reconnaissance des liens de filiation, ce qui satisfait au caractère provisoire de la procédure. Par ailleurs, si le caractère illicite du contrat de gestation pour autrui pourrait être opposable à la filiation maternelle, la reconnaissance de paternité ne semble pas heurter l’ordre public et le risque de revendication de la paternité par un autre homme est faible. L’apparence de droit doit être admise.


IV Divers

V Agenda et job info

Cycle de formation en droit des étrangers

Le cycle annuel de Formations en Droit des Etrangers (FDE) en 5 modules de l’ADDE se poursuit.
Il reste 3 modules auxquels vous pouvez encore vous inscrire.

- Le 8 novembre : Protection
- Le 22 novembre : Travail et Aide sociale
- Le 6 décembre : Nationalité et DIP
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  • Fedasil a adopté de nouvelles instructions concernant le trajet de retour et les places de retour. Vous trouverez également ici une note informative sur les modifications qui ont été apportées via ces instructions, ainsi que la version modifiée de l'annexe "B" (le plan de trajet).
    Ces instructions entreront en vigueur le 21 octobre 2013.
    li Télécharger la plan de trajetretour (annexe B)         li  Télécharger la note informative

  • La Représentation Régionale du HCR pour l’Europe de l’Ouest souhaite attirer votre attention sur le document suivant : “International Protection Considerations with regard to people fleeing the Syrian Arab Republic, Update II”, 22.10.2013
    li Voir le document (Ce document met à jour la version précédente, datant de décembre 2012.)  

  • L’organisation Suisse Schweizerische Flüchtlingshilfe publie un rapport sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et de protection international en Italie. Le rapport est téléchargeable sur le site pour le moment uniquement en allemand, les traductions en français et anglais sont prévues pour décembre.
    li  Télécharger le rapport

  • Le Foyer a créé un outil pour faciliter le travail des personnes qui accompagnent les demandes de regroupement familial. Il s’agit d’un tableau qui reprend les différents cas de figure possible. L’outil a été mis à jour début octobre 2013.
    li Télécharger le schéma de demande de regroupement familial

Nationalité par effet collectif – Art. 12 CN - Exercice de l’autorité parentale – Art. 35, al. 2 Codip – Parents séparés – RH des enfants au Maroc - Interprétation du droit marocain – Notion de garde et de représentation légale - Etat belge condamné à délivrer un passeport belge.

En droit marocain, la notion de garde dévolue en priorité à la mère et celle de représentation légale attribuée en priorité au père ne recouvrent pas des prérogatives totalement différentes. Par ailleurs, l’absence de garde physique effective de la mère belge ne la prive pas de l’exercice de l’autorité parentale au sens du droit marocain. Une telle exigence viendrait ajouter une condition à l’article 12 du Code de la nationalité.

« Les bébés papiers » : Derrière le concept choc, un nouveau risque de discrimination des familles en migration.  Bruno Langhendries

La lutte contre les situations familiales de complaisance fait actuellement les beaux jours de la presse belge. C’est en effet à une véritable surenchère médiatique à laquelle on assiste ces derniers temps. Une nouvelle loi visant à intensifier la lutte contre les mariages simulés et à l’étendre aux cohabitations légales de complaisance est d’ailleurs entrée en vigueur au début du mois d’octobre dernier. Les cris de haro sur de telles situations frauduleuses ou prétendues telles ne sont certes pas nouveaux, mais plus récemment, ils ont trouvé un nouvel écho : le phénomène que certains nomment les « bébés papiers », des enfants qui ne seraient conçus ou des paternités qui ne seraient reconnues que pour permettre d’acquérir un avantage en matière de séjour[1]. Une solution avancée afin de lutter contre  ce cas de figure serait que l’officier de l’état civil puisse s’opposer à une reconnaissance de paternité, après avoir ordonné un prélèvement sanguin destiné à prouver la réalité biologique entre l’enfant et la personne qui veut le reconnaître[2]. Rappelons que cette compétence d’ordonner un test ADN pour contester ou rechercher une filiation est, jusqu’à aujourd’hui, réservée au juge amené à statuer en matière de filiation[3].

Au-delà du fait qu’il est regrettable qu’à nouveau[4], de telles accusations ne soient fondées sur aucune étude, mais uniquement sur le malaise dont font état certains officiers de l’état civil,  celles-ci doivent être mises en perspective avec les principes généraux du droit belge de la filiation.

Historiquement, en Belgique, le législateur a depuis toujours dû jongler avec deux notions qui sont susceptibles d’entrer en opposition, accordant parfois sa préférence à l’une ou à l’autre : la vérité biologique et la réalité socioaffective.  Ainsi, le droit belge met en avant les liens du sang lorsqu’il permet de désactiver la présomption de paternité du mari si l’enfant a été conçu alors que le couple ne vivait plus ensemble (art. 316bis c.c.). Parallèlement, le législateur donne la priorité à la réalité sociale et affective lorsque la paternité est établie par reconnaissance, laquelle n’est pas réservée au seul père biologique. Ainsi, comme le souligne N. Massager, « il n’est pas rare que le compagnon d’une femme qui est également la mère d’un enfant dont la filiation paternelle n’est pas établie, décide, avec l’accord de la mère et de l’enfant lui-même s’il a plus de douze ans, de reconnaître cet enfant dont il n’est pas le père biologique. Une telle filiation de complaisance est parfaitement valable »[5].

 

Amené à se prononcer sur la reconnaissance d’un acte authentique étranger établissant une paternité contestée par le Ministère public, le tribunal de première instance de Nivelles a considéré l’acte valable, même si la reconnaissance de l’enfant « était guidée par un but purement humanitaire », et qu’il n’y avait, en l’espèce, pas de violation de l’ordre public comme l’invoquait le parquet[6].

Comme l’a très récemment rappelé la Cour Constitutionnelle, en l’état actuel des choses, le droit belge n’admet pas que la réalité biologique prime a priori sur la réalité socio-affective entre le parent et l’enfant. Dans le cadre d’une volonté de lutte contre les filiations mensongères, le refus d’acter une reconnaissance de paternité sur le seul constat d’un test ADN porterait atteinte à ce principe et à l’équilibre que le législateur a cherché à atteindre : ménager les intérêts de l’individu et de la société et, pour ce faire, garantir la paix des familles et la sécurité juridique des liens familiaux, d’une part, et l’intérêt de l’enfant, d’autre part[7].

Les partisans d’une législation accordant plus de pouvoirs aux communes en la matière arguent justement que c’est l’intérêt de l’enfant qui exige un plus grand contrôle de l’autorité lorsque l’un des deux parents ne dispose pas d’un titre de séjour. Rappelons avant tout que l’intérêt de l’enfant est certes fondamental en droit de la filiation[8], mais qu’il ne s’agit pas d’une notion abstraite. Il doit donc être examiné au cas par cas, en tenant compte des circonstances propres à chaque situation.

Qu’impliquerait une modification de la législation qui permettrait de refuser l’établissement de la paternité ou de la maternité d’une personne pour motifs frauduleux ? Imaginons donc deux cas de figure où les protagonistes auraient des intentions équivoques quant à la conception ou la reconnaissance d’un enfant.

Dans un premier cas, une mère souhaite avoir un enfant qui lui permettrait d’obtenir un titre de séjour en Belgique, conformément à la législation en matière de regroupement familial. Comment l’autorité peut-elle objectivement jauger de son intention réelle, de son projet de maternité, du moment qu’elle a éventuellement choisi pour tomber enceinte ? Poser la question, c’est sans doute y répondre. Ensuite, l’intérêt de l’enfant serait-il véritablement de lui refuser l’établissement de la filiation maternelle sous prétexte que sa mère aurait instrumentalisé la naissance (quitte à mettre à mal le principe « Mater semper certa est », ce qui n’est assurément pas possible dans le cadre de la législation actuelle) ? L’avenir de ce dernier sera-t-il meilleur si on le prive de mère parce que l’on refuse de la reconnaître comme telle, avec comme conséquence potentielle le placement de l’enfant auprès du Service d’aide à la jeunesse ? En tout état de cause, anéantir le principe de la présomption de maternité pour de tels motifs aurait bien évidemment des conséquences irréversibles sur les modes d’établissement de la filiation prévus par le droit belge et nuirait en outre gravement à l’intérêt de l’enfant, puisque celui-ci pourrait se retrouver sans parents légalement reconnus.

Dans un autre cas, l’enfant serait reconnu par un homme belge uniquement pour permettre à la mère d’obtenir ses papiers. A cette occasion, l’enfant acquiert la nationalité belge. Est-il si certain que l’intérêt de l’enfant n’est pas de voir cette filiation reconnue, au risque que sa nationalité belge et son droit de séjour ne lui soient retirés ?

Autrement dit, rien n’indique a priori que l’intérêt de l’enfant, s’il devait être pris en compte pour l’établissement de la filiation à la naissance (ce que le Code civil ne permet actuellement pas), conduirait automatiquement au rejet de la paternité ou de la maternité établie.

Au-delà de ces deux situations particulières, une réforme de la législation destinée à lutter contre un phénomène dont on ne connait pas l’importance risque de mettre à mal le délicat équilibre que cherche à atteindre notre Code civil. Comme nous l’avons souligné plus haut, la reconnaissance de paternité a initialement été introduite afin de protéger les enfants nés en dehors du cadre du mariage et implique pour cela que la réalité biologique ne prime pas a priori. Il semble difficile d’accueillir positivement une proposition visant à distinguer, de manière inévitablement arbitraire, une filiation selon qu’elle serait ou non revendiquée par des parents dont l’un ne disposerait pas antérieurement à la naissance d’un droit de séjour sur le territoire belge.

Enfin, comment ne pas ressentir un profond malaise devant des propositions dont on ne peut nier qu’elles jettent à nouveau l’opprobre sur les couples mixtes dont l’un des conjoints ne dispose au mieux que d’un droit de séjour provisoire en Belgique ? Une telle modification de notre Code civil clouerait à nouveau au pilori de telles familles qui risqueraient de se voir limiter de façon discriminatoire l’établissement d’une filiation. Ainsi, chaque personne placée dans une telle situation et désireuse de reconnaître son enfant pourrait être déclaré a priori suspecte par les autorités et se voir soumise à un contrôle de la réalité biologique qui ne serait pas exigé pour les autres reconnaissances de paternité[9].

La volonté de contrôler l’établissement d’une filiation frauduleuse pose davantage de questions que pour la conclusion du mariage, car au contraire de ce dernier dont l’annulation n’a pour effet d’anéantir « que » la totalité de ses effets, en matière de filiation, l’enfant ne disparaîtra pas des suites de la décision du juge. En d’autres termes, dans le cas d’une annulation de mariage, il n’y a plus de mariage. Si l’on devait annuler une filiation, il y aura toujours un enfant. Quel est dès lors le véritable intérêt de celui-ci ?



[1] La Libre Belgique, « Les bébés papiers »,13 septembre 2013, http://www.lalibre.be/debats/opinions/les-bebes-papiers-523288f6357008cdb6e58279

[2] Idem.

[3] Les tests ADN que peut exiger l’Office des étrangers n’a pas pour objet de reconnaître un lien de filiation établi à l’étranger, mais d’accorder ou de refuser le regroupement familial. Cf. H. Englert & T. Legros, «Le recours aux tests ADN pratiqués dans le cadre des procédures de regroupement familial – contexte juridique, procédures et questions particulières de droit international privé », Rev. dr. étr,, 2008, n° 147, p. 3.

[4] Voir notre carte blanche parue dans  Lalibre.be, « La lutte contre les mariages de complaisance : sans cesse renforcée, jamais mesurée »,  9 octobre 2013, http://www.lalibre.be/debats/opinions/lutte-contre-les-mariages-de-complaisance-sans-cesse-renforcee-jamais-mesuree-5255a6c63570f46b38a6b330

[5] N. Massager, « Droit de l’enfance », Bruxelles, Bruylant, 2009, p. 84.

[6] Civ. Nivelles, 13 mars 2013, Newsletter ADDE, avril 2013.

[7] C. Const., 17 octobre 2013, N° 139/2013.

[8] C. Const., 7 mars 2013, N° 30/2013.

[9] La conformité d’une telle législation heurterait immanquablement les principes de non-discrimination portés par les articles 10 et 11 de la Constitution.