Les régimes matrimoniaux 

Généralités

Qu’est-ce qu’un régime matrimonial ?

Le « régime matrimonial » au sens du CODIP représente l’ensemble des règles résultant de la loi ou du choix des époux (souvent reprises dans un contrat de mariage) qui règlent le statut des biens et des dettes des époux pendant la durée du mariage et suite à la dissolution de celui-ci.

Ces règles concernent non seulement les dettes des époux entre eux et mais également celles vis-à-vis des tiers et s’appliquent dès la célébration du mariage sauf si les époux le prévoient autrement.

En droit belge, il existe une distinction entre le régime matrimonial dit « primaire » et le régime matrimonial dit « secondaire ».

La distinction entre le régime primaire et secondaire est consacrée en droit civil belge depuis de nombreuses années. Elle a été transposée dans le Code de droit international privé (ci-après, CODIP) lors de son adoption en 2004.

La distinction entre le régime primaire et secondaire n’existe pas dans tous les autres pays.

Au niveau européen, le nouveau Règlement « régime matrimonial » (Règlement 2016/1103 du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux) donne une définition autonome de la notion de « régime matrimonial » par rapport à sa définition en droit belge.

C’est pour lui  « l'ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution » (article 3§1er, a du Règlement). Cette définition englobe tant les règles du régime matrimonial primaire, lorsqu’elles ont une portée patrimoniale, que les règles du régime matrimonial secondaire (voyez section III).

Le régime matrimonial légal est celui que la loi d’un pays applique soit automatiquement lorsque les époux n’ont pas convenu d’un régime matrimonial conventionnel, soit parce que les époux l’ont choisi.

Quand les règles de droit international privé doivent-elles s’appliquer aux régimes matrimoniaux?

Les règles de droit international privé trouvent à s’appliquer dans une situation comprenant un élément d’extranéité (un élément international). Par exemple :

L’adoption successive des différents textes nationaux et internationaux de droit international privé, et leur application dans le temps,  impliquent qu’il soit nécessaire de distinguer :

Les règles antérieures sont toujours applicables aux mariages qui ont été conclus dans le passé.

Mariage célébré avant le 1er octobre 2004


Les régimes matrimoniaux des mariages célébrés avant l’entrée en vigueur du CODIP (le 1er octobre 2004) sont régis par les anciennes règles de droit international privé.

Avant l’entrée en vigueur du CODIP, c’était le Code civil belge qui contenait, de façon disséminée, les règles de droit international privé familial.

Ces règles prévoyaient déjà la possibilité pour les époux de choisir le droit applicable à leur régime matrimonial.

Attention : ce choix porte sur le droit applicable au régime, pas sur le régime lui-même qu’il convient de déterminer dans un second temps, en fonction du droit applicable.

A défaut de choix par les époux du droit applicable à leur régime matrimonial

Les anciennes dispositions de droit international privé (article 3 al. 3 ancien du Code civil) prévoient qu’à défaut de choix par les époux, le régime matrimonial des parties est régi par :

Remarque :

Exemple : Des époux résidants et mariés en Belgique en septembre 2004 qui n’ont pas fait de contrat de mariage et qui sont tous les deux de nationalité marocaine, seront soumis au régime matrimonial légal prévu en droit marocain (régime de séparation des biens). Par contre, un couple belgo-marocain marié dans les mêmes conditions sera soumis au régime matrimonial  prévu en droit belge (régime de communauté des biens).

En cas de choix par les époux du droit applicable à leur régime matrimonial

Les limites au droit de choisir la loi applicable au régime matrimonial pour la période antérieure au 1er octobre 2004 font l’objet de controverses. Certains auteurs considèrent que l’autonomie de la volonté ne souffrait d’aucune limite tandis que, pour d’autres, le choix ne pouvait être fait que dans certaines limites prédéfinies.

L’on considère aujourd’hui que lorsque les parties ont fait le choix d’un droit applicable avant le 1er octobre 2004, ce choix peut être validé s’il respecte les modalités désormais prévues par le CODIP (à l’article 127§2 CODIP).

Pour déterminer la forme que devait prendre ce choix de loi, le principe général locus regit actum est applicable. Cela signifie que le choix de la loi applicable doit avoir été effectué conformément au droit de l’Etat dans lequel ce choix a été effectué.

Les modifications du régime matrimonial

Les époux mariés avant le 1er octobre 2004 étaient bien évidemment libres de modifier leur régime matrimonial comme cela est encore le cas aujourd’hui.

Si cette modification est intervenue après le 1er octobre 2004, même si le mariage est antérieur, elle est alors soumise aux nouvelles règles de droit international privé (voir ci-dessous).

Mariage célébré entre le 1er octobre 2004 et le 29 janvier 2019

Quel est le droit applicable ?

La loi applicable au régime matrimonial du mariage célébré entre le 1er octobre 2004 et le 29 janvier 2019 est désignée, selon le CODIP, soit par la volonté des parties (article 49 CODIP), soit, à défaut, par des facteurs de rattachement à la loi applicable organisés en cascade (article 51 CODIP).

Choix des parties

Les époux ont la possibilité de choisir le droit qui sera appliqué à leur régime matrimonial.

Le droit applicable au régime matrimonial règle notamment « la possibilité et l’étendue du choix d’un régime matrimonial » (article 53 CODIP). En d’autres mots, le droit désigné comme applicable au régime matrimonial précise si les époux sont en mesure de pouvoir choisir un régime matrimonial déterminé ou si leur régime matrimonial sera imposé par la loi.

Il faut donc distinguer le choix du droit applicable au régime matrimonial et le choix du régime matrimonial en tant que tel. Dans le premier cas, les époux peuvent choisir le droit auquel leur régime matrimonial sera soumis. Dans le deuxième cas, les époux peuvent choisir, au sein de ce droit qu’ils ont (éventuellement) choisi,  le type de régime matrimonial. Ainsi, la faculté de choisir le type de régime matrimonial, de le modifier ultérieurement et les types de régimes matrimoniaux vont dépendre du droit applicable à leur régime matrimonial. Il en va de même lorsque les époux n’ont pas choisi de régime matrimonial et qu’il faut s’interroger sur le régime matrimonial applicable à défaut de choix.

Par conséquent, en plus de désigner le droit applicable à leur régime matrimonial, les époux pourront aussi, s’ils le souhaitent, désigner le type de régime matrimonial pour lequel ils optent. A défaut de choix expresse, c’est le régime matrimonial légal du système juridique choisi qui s’appliquera.

Le choix du droit applicable est-il limité ?

Le choix qui est laissé aux époux pour déterminer le droit applicable à leur régime matrimonial est limité. Ils ont uniquement le choix entre :

Remarque : Cette résidence sera bien souvent la résidence habituelle commune ou bien la résidence individuelle de chacun des époux si elle est située dans le même Etat.

Il est essentiel que les époux habitent effectivement dans l’Etat dont le droit a été choisi. Si, après le mariage, il s’avère finalement que les époux n’habitent pas dans l’Etat où ils avaient prévu de vivre ou s’ils résident temporairement et sans que cette résidence puisse être considérée comme habituelle, le choix du droit de la première résidence devrait s’avérer inopérant. Dans ce cas, le droit applicable au régime matrimonial sera celui désigné par les règles applicables en l’absence de choix.

Remarques : Les époux doivent indiquer clairement le droit qu’ils ont choisi ainsi que le type de régime matrimonial. A défaut, le choix pourrait être considéré comme étant inopérant. Il semblerait toutefois que la mention dans le contrat de mariage du type de régime matrimonial prévu en droit étranger puisse suffire pour désigner ce droit étranger . Indiquer les dispositions légales est préférable mais pas indispensable, pour autant qu’il n’y ait pas de risque de confusion.

Le changement de résidence ou de nationalité des époux n’a pas d’impact sur le choix du droit applicable une fois que celui-ci a été fait valablement.

Attention, si un choix a été fait, il portera sur l’ensemble des droits et obligations des époux (article 50§2 CODIP) ce qui permettra au régime matrimonial de rester cohérent et indivisible. Les époux ne peuvent donc pas choisir une loi applicable à certains de leurs biens et une autre loi pour les autres biens.

À quel moment et sous quelle forme le choix du droit applicable doit-il être fait ?

Le choix du droit applicable peut se faire avant le mariage ou au cours de celui-ci. Il peut aussi modifier un choix antérieur et ce, quel que soit l’Etat dans lequel le mariage a été célébré.

La volonté est exprimée en principe  par écrit, dans le contrat de mariage ou dans un acte modificatif de régime matrimonial, est daté et signé par les époux.

Pour être valable quant à la forme (articles 50§2 al.1er et 52 al.1er CODIP), le choix du droit applicable doit respecter les conditions posées :

Ex : Si le choix du droit applicable est fait en Belgique, il sera fait dans le contrat de mariage en tant que tel, selon les règles de forme fixées par le droit belge. Ainsi, il devra nécessairement être établi par acte notarié (article 1392 du Code civil belge). Dans d’autres Etats, ce choix pourrait être fait dans un acte sous seing privé, par simple déclaration faite à l’officier de l’état civil, etc.

Une fois que le choix a été fait, il est définitif et vaut jusqu’à ce qu’un nouveau choix modifie éventuellement le précédent (voyez le point C).

A défaut de choix de parties

Si les époux n’ont pas exprimé un choix de la loi applicable, celle-ci sera déterminée en fonction des critères de rattachement établis le CODIP, appliqués en cascade (article 51 du CODIP) :

 (on applique le 1er critère, à défaut, le 2ème critère, à défaut, le 3ème critère)

« 1° le droit de l'Etat sur le territoire duquel l'un et l'autre époux fixent pour la première fois leur   après la célébration du mariage;

  2° à défaut de résidence habituelle sur le territoire d'un même Etat, le droit de l'Etat dont l'un et l'autre époux ont la nationalité au moment de la célébration du mariage;

  3° dans les autres cas, par le droit de l'Etat sur le territoire duquel le mariage a été célébré. »

Remarques :

Exemple : Un couple de marocains se marie au Maroc. Monsieur revient vivre en Belgique et son épouse reste au Maroc pour terminer ses études. Leur première résidence habituelle à chacun n’est donc pas sur le territoire d’un même Etat. Le critère de rattachement n°1 ne s’applique donc pas dans le cas visé. On retiendra le critère de rattachement n°2, la nationalité commune, ce qui permet de dire que le droit marocain est applicable au cas d’espèce.

Remarque : Il est possible que le droit désigné en vertu des critères repris ci-dessus (pas en cas de choix du droit applicable par les époux) soit exceptionnellement écarté par le juge si les époux n’ont qu’un lien très faible avec l’Etat dont le droit est désigné applicable et des liens beaucoup plus étroits avec un autre Etat. Dans ce cas, le juge fera exceptionnellement application de cet autre droit (voy. article 19 du CODIP).

Modification du droit applicable au régime matrimonial 

Les modifications du droit applicable adoptées avant l’entrée en vigueur du CODIP restent parfaitement valables pourvu qu’elles soient conformes aux prescriptions du CODIP (articles 50§1er, 52 al.2 CODIP et 127§2 CODIP).

Le choix des parties est limité aux lois suivantes : 

Au niveau de la forme, la modification doit avoir été effectuée conformément à la loi choisie pour s’appliquer au régime matrimonial, ou conformément à la loi de l’Etat sur le territoire duquel la modification a lieu (article 52 du CODIP)

Quelles sont les questions réglées par le droit applicable au régime matrimonial ?

Le droit applicable au régime matrimonial règle notamment (article 53 du CODIP) :

Modification du régime matrimonial sans changement du droit applicable

Il faut se référer au droit applicable au régime matrimonial pour savoir si et dans quelle mesure les époux peuvent changer de régime. Si une modification est permise, elle devra, pour être valide en la forme, respecter les formalités prévues par le droit de l’Etat sur le territoire duquel le changement est effectué (article 52 al.2 du CODIP).

Exemple : Deux époux résident à Bruxelles et décident de modifier leur régime matrimonial en France, où ils séjournent temporairement. Ils devront appliquer les formalités du droit français applicables au changement de régime matrimonial.

Remarques :

  1. Pour modifier en Belgique son régime matrimonial (décidé à l’étranger ou en Belgique), il convient de se rendre chez un notaire belge.
  2. Si le droit applicable au régime matrimonial ne permet pas de changer de type de régime matrimonial, les époux qui souhaitent changer de régime matrimonial doivent vérifier s’ils peuvent changer le droit applicable à leur régime matrimonial. Il est conseillé de s’adresser à son notaire le cas échéant (ou à une autre autorité compétente pour dresser les actes de mariage)

Quel est le régime matromonial applicable en droit belge ? 

Le régime matrimonial est déterminé :

 Remarques :

  1. En Belgique, il est prévu que les époux règlent leurs conventions matrimoniales comme ils l’entendent, pourvu qu’elles ne contiennent aucune disposition contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (article 1387 du Code civil).
  2. Ils peuvent opter pour un régime directement organisé par le droit belge (actuel ou abrogé). La simple référence à une législation abrogée n’est par contre pas admise. Dans ce cas précis, le contrat de mariage doit comprendre la description entière du régime choisi.
  3. Le régime matrimonial (conventionnel ou légal) prend effet à partir de la célébration du mariage. En d’autres mots, le choix du régime matrimonial doit être fait avant la célébration du mariage. A défaut, le régime légale est appliqué et ne pourra être modifié qu’en suivant la procédure de modification du régime matrimonial.

Pour plus de renseignements, voyez : https://www.notaire.be/se-marier-vivre-ensemble/le-mariage/les-regimes-matrimoniaux.

Quelles sont les autorités compétentes ?

Le Notaire

Le notaire est l’autorité compétente pour rédiger tout contrat de mariage et toute modification conventionnelle du régime matrimonial en Belgique, avant ou pendant le mariage (article 1392 du Code civil).

Le juge 

Le juge belge est compétent (articles 42, 5 et 6 du CODIP) pour connaitre d’une demande concernant le régime matrimonial, quel que soit le lieu de célébration du mariage, si :

  • « en cas de demande conjointe, l'un des époux a sa résidence habituelle en Belgique lors de l'introduction de la demande
  • la dernière résidence habituelle commune des époux se situait en Belgique moins de douze mois avant l'introduction de la demande;
  • l'époux demandeur a sa résidence habituelle depuis douze mois au moins en Belgique lors de l'introduction de la demande; ou
  • les époux sont belges lors de l'introduction de la demande.
  • le défendeur est domicilié ou a sa résidence habituelle en Belgique lors de l'introduction de la demande (article 5 du CODIP)
  • les parties se sont mises d’accord sur la compétence du juge belge (article 6§1er du CODIP) »

Reconnaissance en Belgique d’un acte authentique étranger ou d’une décision judiciaire étrangère

Remarque : Lorsqu’une décision judiciaire étrangère ou un acte authentique étranger doit être utilisé en Belgique, il doit préalablement être légalisé par le consulat compétent (article 30 du CODIP). La Belgique a cependant ratifié des conventions internationales avec certains pays soit pour remplacer la légalisation par l’apostille, soit pour dispenser entièrement de légalisation (voyez la fiche pratique sur la légalisation).

Acte authentique étranger

Le Code de droit international privé (article 27 du CODIP) prévoit qu’un acte authentique étranger sera reconnu en Belgique sans qu’il faille recourir à une procédure spécifique si :

  • sa validité est établie conformément au droit applicable (cfr. Ci-dessus sous-section I),
  • l’acte réunit les conditions nécessaires à son authenticité selon le droit de l’Etat dans lequel il a été dressé (en principe, par la légalisation).

Ainsi, en principe, un contrat de mariage établi à l’étranger pourra en principe être reconnu et utilisé en Belgique sans devoir procéder à une action judiciaire.

Ce n’est que si les autorités belges refusent de reconnaitre la validité de l’acte, qu’un recours pourra alors être introduit devant le Tribunal de la famille (selon la procédure de l’article 23 du CODIP).

Décision judiciaire

Il n’existe pas de règle particulière pour la reconnaissance des jugements étrangers en matière de régime matrimonial. Il faut donc se référer aux dispositions générales applicables à la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères (articles 22 du CODIP).

En principe la décision judiciaire étrangère est reconnue automatiquement en Belgique, il n’y a pas de procédure particulière à suivre. Néanmoins, elle ne pourra pas être reconnue si elle contrevient à l’une des conditions énumérées par l’article 25 du CODIP :

  • « Si l'effet de la reconnaissance ou de la déclaration de la force exécutoire serait manifestement incompatible avec l'ordre public; cette incompatibilité s'apprécie en tenant compte, notamment, de l'intensité du rattachement de la situation avec l'ordre juridique belge et de la gravité de l'effet ainsi produit;
  • Si les droits de la défense ont été violés
  • Si la décision a été obtenue, en une matière où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits, dans le seul but d'échapper à l'application du droit désigné par la présente loi;
  • Si, sans préjudice de l'article 23, § 4, elle peut encore faire l'objet d'un recours ordinaire selon le droit de l'Etat dans lequel elle a été rendue;
  • Si elle est inconciliable avec une décision rendue en Belgique ou avec une décision rendue antérieurement à l'étranger et susceptible d'être reconnue en Belgique;
  • Si la demande a été introduite à l'étranger après l'introduction en Belgique d'une demande, encore pendante, entre les mêmes parties et sur le même objet;
  • Si les juridictions belges étaient seules compétentes pour connaître de la demande;
  • Si la compétence de la juridiction étrangère était fondée uniquement sur la présence du défendeur ou de biens sans relation directe avec le litige dans l'Etat dont relève cette juridiction; ou
  • Si la reconnaissance ou la déclaration de la force exécutoire se heurte à l'un des motifs de refus visés aux articles 39, 57, 72, 95, 115 et 121. »

En cas de refus de reconnaissance par une autorité belge d’un jugement portant sur une question de régime matrimonial, une procédure en reconnaissance peut être introduite auprès du Tribunal de première instance (selon la procédure reprise à l’article 23 du CODIP).

Mariage célébré après le 29 janvier 2019

Le Règlement « régime matrimonial » du 24 juin 2016 (voy. ci-dessus : Généralités, 1) est entré en application le 29 janvier 2019.

18 Etats membres de l’Union européenne ont ratifié ce Règlement: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Slovénie et Suède. 

Ce nouveau Règlement traite de :

  • la compétence  en matière de régime matrimonial ;
  • la loi applicable aux questions relatives aux régimes matrimoniaux ;
  • la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de régime matrimonial.

Quel est le champ d’application de ce Règlement ?

Champ d’application personnel (à qui s’applique-t-il ?)

Le Règlement concerne les couples, quelle que soit leur nationalité, ayant leur résidence dans un des Etats parties ou y possédant des biens.

Le Règlement n’est pertinent que si la situation présente un caractère international, c’est-à-dire qu’elle se caractérise par un (ou plusieurs) élément(s) d’extranéité (une résidence à l’étranger, une nationalité étrangère, un bien à l’étranger, etc.)

Champ d’application matériel (à quoi s’applique-t-il ?)

Le Règlement ne s’applique qu’aux questions relatives au régime matrimonial des époux. Il ne s’applique pas aux questions de droit fiscal ou administratif, et ne concerne pas non plus les questions touchant à la capacité des époux, à la validité du mariage célébré dans un autre pays, aux pensions alimentaires, à la succession des époux, à la sécurité sociale, etc. (article 1,§2 du Règlement).  

Le Règlement définit clairement le régime matrimonial comme étant « l'ensemble des règles relatives aux rapports patrimoniaux entre époux et dans leurs relations avec des tiers, qui résultent du mariage ou de sa dissolution.» (Article 3, 1. a du Règlement)

Champ d’application temporel (à partir de quand s’applique-t-il ?)

Le Règlement est entré en application le 29 janvier 2019.

Les règles relatives à la compétence et à la reconnaissance, s’appliquent donc :

  • aux procédures engagées,
  • aux actes authentiques formellement dressés ou enregistrés,
  • aux transactions judiciaires approuvées ou conclues,

depuis cette date.

Remarque : si une procédure judiciaire a été engagée à l’étranger avant le 29 janvier 2019, et que la décision qui en découle est rendue postérieurement à cette date, la décision pourra quand même être reconnue et exécutée conformément aux nouvelles règles de reconnaissance contenues dans le Règlement si les règles de compétence appliquées étaient conformes à celles prévues par le Règlement.

Les règles relatives au droit applicable, s’appliquent donc :

  • Aux époux qui se marient après cette date
  • Aux époux qui désignent la loi applicable à leur régime matrimonial après cette date, même s’ils se sont mariés avant. 

Qui est le juge compétent ?

Lorsque les époux veulent soumettre à un juge une question relative à la liquidation ou au partage de leur régime matrimonial, ils doivent déterminer devant quelle juridiction agir.

A défaut de choix 

En l’absence de choix des parties sur la juridiction compétente, les critères de compétence du juge varient en fonction des circonstances à l’occasion desquelles la question du régime matrimonial se pose :

  • Si cette circonstance est le décès d’un des époux (article 4 du Règlement), le juge compétent est celui qui exercera sa compétence en application du règlement successoral européen.
  • Si cette circonstance est le divorce, la séparation de corps ou l’annulation du mariage (article 5 du Règlement), le juge compétent pour traiter ces questions est également compétent pour traiter des questions relatives au régime matrimonial.

La logique est ainsi qu’un seul et même juge soit amené à traiter ces questions imbriquées.

Remarque :

  • En cas de demande en divorce, séparation de corps ou d’annulation de mariage, il convient de se référer au règlement européen « Bruxelles IIbis» (n° 2201/2003)pour déterminer la compétence du juge.
  • Dans certaines circonstances, la compétence du juge est subordonné à l’accord des époux (voyez les circonstances énumérées à l’article 5§2 du Règlement).
  • Lorsqu’aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu de l'article 4 ou 5, ou dans d’autres circonstances que celles visées aux articles 4 et 5, le Règlement prévoit des critères en cascade (article 6 du Règlement). Seront ainsi compétentes, les juridictions de l’Etat membre :
  1. « sur le territoire duquel les époux ont leur résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  2. sur le territoire duquel est située la dernière résidence habituelle des époux, dans la mesure où l'un d'eux y réside encore au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  3. sur le territoire duquel le défendeur a sa résidence habituelle au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,
  4. dont les deux époux ont la nationalité au moment de la saisine de la juridiction. »

 Choix du juge compétent

Les époux peuvent-ils choisir devant quelle juridiction porter leur différend ?

Les époux peuvent conclure une clause d’élection de for (article 7 du Règlement), c’est-à-dire une clause par laquelle elles désignent l’autorité judiciaire qui sera internationalement compétente pour régler les questions relatives à leur régime matrimonial.

Elles peuvent le faire seulement lorsque la question du régime matrimonial ne surgit pas dans le cadre du décès d’un des époux ou d’un divorce, d’une séparation de corps ou d’une annulation de mariage.

Leur choix est limité. Les parties vont pouvoir choisir :

  • Soit, les juridictions de l’Etat membre dont elles ont choisi la loi applicable (voir ci-dessous);
  • Soit, à défaut d’avoir choisi un droit applicable, les juridictions dont la loi s’applique, en cas de mariage, au titre de leur première résidence habituelle commune après la célébration du mariage ou, à défaut de pareille résidence, de leur nationalité commune ;
  • Soit, les juridictions de l’Etat membre dans lequel le mariage a été célébré.
Forme du choix 

La convention des époux doit être écrite, datée et signée par les parties.

Remarque : La transmission par voie électronique est considérée comme une forme écrite si elle permet de consigner durablement la convention.

Compétence fondée sur la comparution du défendeur

Les juridictions d’un Etat partie peuvent également être compétentes si ce sont les tribunaux de l’Etat dont la loi est applicable et que le défendeur comparait volontairement, sans contester sa compétence (article 8 du Règlement).

Compétence de substitution

Si la juridiction d’un Etat membre normalement compétente en vertu du Règlement constate que son droit international privé l’empêche de reconnaître le mariage, elle peut éventuellement décliner sa compétence (article 9§1er du Règlement).  

Si elle décide de le faire :

  • Soit les parties conviennent de donner compétence à un autre Etat membre (dans les conditions de l’article 7 du Règlement), et ce dernier pourra alors statuer sur le régime matrimonial.
  • Soit les juridictions compétentes seront celles dont la compétence peut se fonder sur les critères de compétence à défaut de choix des parties (articles 6 ci-dessus), ou sur la comparution volontaire (article 8 ci-dessus), ou les juridictions de l'État membre dans lequel le mariage a été célébré.

Compétence subsidiaire 

Si aucune juridiction d’un Etat membre n’est compétente en vertu des critères précédents, une compétence subsidiaire peut trouver à s’appliquer si  un bien immeuble de l’un ou des deux époux est situé sur le territoire de cet Etat membre (article 10 du Règlement).

Le juge compétent ne sera alors compétent que pour statuer sur les droits relatifs à ce bien immeuble.

Exemple : Un Belge et une Canadienne résident habituellement en Angleterre, ils ne sont pas d’accord sur la compétence du juge et un immeuble se situe en Belgique au sujet duquel se pose une question de régime matrimonial. Le juge belge pourra être saisi de la question à l’égard de ce seul bien immeuble.

Extension de compétence (Forum necessitatis)

Lorsqu’aucune juridiction n’est compétente en vertu des critères précédents et qu’aucun bien immeuble de l’un ou des époux n’est situé sur le territoire de l’Etat membre concerné, les juridictions d’un Etat membre peuvent, exceptionnellement, statuer sur le régime matrimonial « si une procédure ne peut raisonnablement être introduite ou conduite, ou se révèle impossible, dans un État tiers avec lequel l'affaire a un lien étroit » (article 11 du Règlement).

C’est ce qu’on appelle le Forum necessitatis.

L’Etat membre dont la juridiction se déclarerait compétente sur cette base doit toutefois présenter un lien suffisamment étroit avec l’affaire en question.

Quelle est la loi applicable ?

La désignation de la loi applicable par le Règlement revêt trois caractéristiques importantes :

  1. Elle est d’application universelle: la loi applicable s’applique, même si la loi désignée par le Règlement n’est pas celle d’un Etat membre ;
  2. Elle forme une unité: la loi désignée s’applique à l’ensemble des biens meubles et immeubles des époux, peu importe le lieu où ces biens se trouvent ;
  3. Elle est définitive : la loi désignée s’appliquera définitivement tant qu’aucun autre choix n’interviendra pour le remplacer, et ce donc même si le facteur de rattachement est modifié ultérieurement. On retient le facteur de rattachement du moment où est conclu le mariage ou le contrat modificatif.

Choix du droit applicable 

Comme c’était déjà le cas avant, les parties peuvent se mettre d’accord sur le droit applicable à leur régime matrimonial.

Quand le choix doit-il être fait pour être valable ?

Avant, au moment ou au cours du mariage.

Si le choix est effectué au cours du mariage et que le droit applicable est modifié, cette modification n’a d’effet que pour l’avenir sauf si les époux en disposent autrement et sachant que les effets ne sont pas opposables aux tiers auxquels elle ne peut nuire.

Les époux ont-il un choix limité quant au droit applicable à leur régime matrimonial ?

Le Règlement laisse un choix limité aux époux quant au droit applicable à leur régime matrimonial :

  • Soit la loi de l’Etat où l’un des (futurs) époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ;
  • Soit la loi de l’Etat dont l’un des (futurs) époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention.

Remarque : En vertu du principe de l’universalité, rien n’interdit aux parties de choisir la loi d’un Etat tiers.

Quelle est la forme que doit revêtir leur choix ?

Un écrit est toujours nécessaire et doit être daté et signé par les deux époux.

Les époux doivent respecter les règles de formes supplémentaires prévues par la loi de l’Etat membre dans lequel les époux résident habituellement au moment de faire leur choix (ou dans lequel un des époux a sa résidence s’ils n’ont pas la même résidence).

Pour la validité du consentement et du fond de la clause, les époux doivent en plus respecter les règles de formes spécifiques prévues par l’Etat dont la loi a été choisie si elle est différente de celle de leur résidence habituelle.

Exemple : Ainsi, le choix du droit belge fera l’objet d’un acte notarié respectant les formalités du droit belge.

A défaut de choix du droit applicable 

Si les parties n’ont pas choisi le droit applicable à leur régime matrimonial, le Règlement prévoit un système de critères en cascade pour déterminer la loi applicable (Article 26 du Règlement). Il s’agira de celle : 

« a) de la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage; ou, à défaut,

b) de la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage; ou, à défaut,

c) avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances. »

Remarques

  • Si les époux ont plus d’une nationalité commune au moment de la célébration du mariage, on se référera prioritairement au critère a) et subsidiairement au critère c).
  • A la demande d’un époux, le tribunal compétent peut exceptionnellement décider que la loi d’un Etat – autre que celle de la première résidence conjugale commune – sera appliquée Cette clause d’exception n’est pas applicable si les parties ont choisi le droit applicable. (Article 26, al.3 du Règlement).

Quelle est la portée du droit applicable ? 

Le droit applicable régit (article 27 du Règlement) :

- la classification des biens des deux époux ou de chacun d'entre eux en différentes catégories pendant et après le mariage;

- le transfert de biens d'une catégorie à une autre;

- les obligations d'un époux qui découlent des engagements pris par l'autre époux et des dettes de ce dernier;

- les pouvoirs, les droits et les obligations de l'un des époux ou des deux époux à l'égard des biens;

-  la dissolution du régime matrimonial, sa liquidation ou le partage des biens;

- les effets du régime matrimonial sur un rapport juridique entre un époux et des tiers; et

- la validité au fond d'une convention matrimoniale.

La loi applicable au régime matrimonial s’applique à l’ensemble des biens relevant de ce régime, quel que soit le lieu où les biens se trouvent (article 21 du Règlement).

Est-il possible d’écarter la loi choisie ou désignée par le Règlement?

Les règles de la loi applicable seront écartées au profit de la loi du juge ou de l’autorité saisie afin d’assurer le respect des règles impératives de cette dernière dont le respect est jugé crucial (article 30 du Règlement).

Exemple : les règles de droit interne relative à la protection du logement familial sont parfois jugées si importantes que le juge les appliquera même si elles sont contraires aux règles prévues par le droit applicable. 

Les règles de la loi applicable seront également écartées lorsqu’elles entrent manifestement en contradiction avec l’ordre public de l’Etat dont relève le juge ou l’autorité saisie (article 31du règlement).

Modification du droit applicable

Le droit applicable au régime matrimonial, qu’il résulte du choix des époux ou non, peut être modifié en Belgique par la volonté des époux et ce, quel que soit le lieu où le mariage a été célébré. Cette possibilité est offerte à tous les couples, qu’ils se soient unis avant ou après l’entrée en vigueur du Règlement.

Les époux peuvent ainsi choisir le droit applicable à leur régime matrimonial avant la célébration du mariage ou au cours du mariage. Ce choix peut être le premier ou peut venir modifier un choix antérieur. Ce choix porte en tout cas sur l’ensemble des biens des époux.

Le changement de droit applicable n’aura en principe d’effet que pour l’avenir. Mais, les époux peuvent en décider autrement à condition de ne pas porter atteinte aux droits que les tiers ont acquis sous le régime de l’ancienne loi applicable au régime matrimonial.

Le choix des parties est toujours limité et ne peut désigner que (article 22§1er Règlement) :

  • « Soit, la loi de l'État dans lequel au moins l'un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention;
  • Soit la loi d'un État dont l'un des époux ou futurs époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention. »

Remarques :

  • Si les époux sont présents sur le territoire belge et optent pour une législation étrangère, la loi belge devra être respectée pour la forme de la modification intervenue. La législation étrangère devra être respectée pour les conditions de fond de la modification envisagée.
  • En Belgique, la modification du droit applicable doit se faire devant notaire (voyez les articles 1392 à 1395 du Code civil).
  • Si le régime matrimonial des époux est le régime légal, le changement de droit applicable entrainera également un changement de régime matrimonial en faveur du régime légal prévu par le nouveau droit applicable.
  • Le changement intervenu en Belgique n’aura peut-être pas d’effet dans un autre pays (la reconnaissance à l’étranger de l’acte dans lequel un nouveau droit applicable a été désigné dépend des conditions de la reconnaissance des actes authentiques prévues dans le pays concerné).

Reconnaissance en Belgique d’un acte authentique étranger ou d’une décision judiciaire étrangère

Actes authentiques

Le Règlement prévoit que les actes authentiques ont la même force probante dans tous les Etats membres pour autant que cela ne soit pas manifestement contraire à l’ordre public de l’Etat membre concerné. Cette force probante pourra le cas échéant être attestée au moyen d’un formulaire spécifique à remplir par l’Etat membre qui a délivré l’acte (article 58 du Règlement).

D’autre part, le Règlement prévoit que pour qu’un acte authentique établi par un Etat membre puisse avoir force exécutoire dans un autre Etat membre, il doit être déclaré exécutoire au moyen d’une procédure judiciaire spécifique conforme aux articles 44 à 57 du Règlement (article 59 du Règlement).

Décisions judiciaires

En principe la reconnaissance des effets de décision judiciaire étrangère est automatique, sans qu’il n’y  ait besoin de suivre une procédure particulière (article 36§1er du Règlement). Néanmoins, elle ne sera pas reconnue si elle contrevient à l’une des conditions énumérées par le Règlement (à l’article 37) :

« a) si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre dans lequel la reconnaissance est demandée;

b) dans le cas où elle a été rendue par défaut, si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire;

c) si elle est inconciliable avec une décision rendue dans une procédure entre les mêmes parties dans l'État membre dans lequel la reconnaissance est demandée;

d) si elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre dans lequel la reconnaissance est demandée. »

En cas de refus de reconnaissance par une autorité belge d’un jugement portant sur une question de régime matrimonial, une procédure en reconnaissance peut être introduite auprès du Tribunal de première instance (selon la procédure reprise aux articles 44 à 57 du Règlement).

D’autre part, comme pour les actes authentiques, le Règlement prévoit que pour qu’une décision judiciaire établie par un Etat membre puisse avoir force exécutoire dans un autre Etat membre, elle doit être déclaré exécutoire au moyen d’une procédure judiciaire spécifique conforme aux articles 44 à 57 du Règlement (article 42 du Règlement).