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La Kafala en droit marocain

Qu’est-ce l'institution de la kafala ?

La kafala peut être définie comme l’institution par laquelle une personne ou une famille s'engage, à l’instar d’un parent pour son enfant, à prendre en charge la protection, l'éducation et l'entretien d'un enfant abandonné. La famille qui accueille un enfant dans le cadre d'une kafala exerce sur celui-ci l'autorité parentale sans pourtant toutefois créer un lien de filiation, ni un droit à la succession. Étant considérée comme une institution d’inspiration religieuse, elle trouve sa source première dans le Coran. Elle est aujourd’hui réglementée, dans le droit marocain, par la loi n°15-01 du 13 juin 2002 relative à la prise en charge des enfants abandonnés.

Dans la majorité des pays musulmans, l'adoption n'est pas reconnue. Elle est en quelque sorte substituée par la kafala qui se trouve parfois être l’unique instrument de protection d'un mineur abandonné dans les pays musulmans. En effet, pour l'Islam, le seul fondement de la parenté est le lien du sang. Pour cette raison, une institution comme l'adoption, qui crée des droits et de devoirs familiaux en dehors des bases biologiques, n’est pas admis au regard des principes de droit musulman.

Remarque :
Certains Etats musulmans connaissent l’institution de l’adoption :
- la Tunisie (Loi n°58-27 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, la tutelle officieuse et à l'adoption)
- la Turquie (Code civil turc, art. 305 et svts)
- le Liban

 

Quelle est la différence entre la kafala et l’adoption ?

La kafala et l'adoption sont deux institutions différentes.

Le mot « kafala/كَفَّلَ » dérive du verbe arabe «takafala/تاكفل » qui signifie : se charger d'un orphelin en répondant à tous ses besoins primaires (alimentaires, vestimentaires, éducatifs). La kafala est, donc, la « prise en charge affective et matérielle de l'enfant ». Mais elle ne crée pas de lien de filiation au sens juridique.

A l’inverse, l'enfant adopté est en principe assimilé à l’enfant né de l'adoptant. En Belgique, le droit applicable aux conditions de fond de l’adoption déterminera si l’adopté possède les mêmes droits et obligations que ceux découlant de la filiation biologique (Voyez à ce sujet la Fiche pratique « Adoption »). Ce droit déterminera par exemple si l’adopté peut bénéficier des droits de succession.

Qui peut être pris en charge dans le cadre d’une kafala ?

La kafala s'adresse à tous les enfants abandonnés (art. 1, Loi n°15-01 du 13 juin 2002).

Par « enfant abandonné », en arabe makfoul, on entend l'enfant n'ayant pas atteint l’âge de 18 ans et qui se trouve dans l'une des situations suivantes:

•    Être né de parents inconnus
•    Être né d'un père inconnu et d'une mère connue lorsque celle-ci l’a abandonné
•    Être orphelin
•    Avoir des parents incapables de subvenir à ses besoins ou qui n'ont pas des moyens légaux de subsistance
•    Avoir des parents de mauvaise conduite, n'assumant pas leur responsabilité de protection et d'orientation. Tel en est le cas lorsque les parents sont :
-    déchus de la tutelle légale ou que l'un des deux, après le décès ou l'incapacité de l'autre, se révèle dévoyé et ne s'acquitte pas de son devoir précité à l'égard de l'enfant.
-    un des deux parents, après le décès ou l'incapacité de l'autre, ne s'acquitte plus de son devoir de protection et d’orientation à l'égard de l'enfant.

 

Quelle est l'autorité chargée d'accorder la kafala et d’en contrôler le suivi de l'exécution?

L'autorité compétente en matière de kafala est le juge des tutelles de la circonscription dans laquelle se situe la résidence de l’enfant (art. 4, Loi n°15-01 du 13 juin 2002). L’ordonnance du juge des tutelles est ensuite mise en exécution par le tribunal de Première Instance.

Quelles sont les conditions de la kafala ?

  • L’enfant doit être déclaré abandonné.
  • Le consentement de l’enfant est requis s’il a plus de 12 ans sauf si l’autorité sollicitant la kafala est un établissement public chargé de la protection de l’enfance ou un organisme ou association à caractère social reconnu d’utilité publique
  • Les personnes auxquelles la kafala peut être confiée sont (art. 9, Loi n°15-01 du 13 juin 2002) :
  1. La femme musulmane ou les époux musulmans qui:
    -    ont atteint l'âge de la majorité légale,
    -    sont moralement et socialement aptes à assurer la kafala,
    -    disposent de moyens matériels suffisants pour subvenir aux besoins de l'enfant,
    -    n'ont pas fait l'objet, conjointement ou séparément, d’une condamnation pour infraction portant atteinte à la morale ou commise à l'encontre des enfants,
    -    ne sont pas atteints de maladies contagieuses ou les rendant incapables d'assumer leur responsabilité, et
    -    ne sont pas opposés à l'enfant dont ils demandent la kafala ou à ses parents par un contentieux soumis à la justice ou par un différend familial comportant des craintes pour l'intérêt de l'enfant.
  2. Les établissements publics chargés de la protection de l'enfance.
  3. Les organismes, organisations et associations à caractère social reconnus d'utilité publique et disposant des moyens matériels, des ressources et des compétences humaines aptes à assurer la protection des enfants, à leur donner une bonne éducation et à les élever conformément à l'Islam.

 

 La kafala ne peut être confiée à plusieurs personnes à la fois, si ce n’est deux époux. S’il existe plusieurs demandes, la priorité sera donnée aux époux sans enfants ou à ceux garantissant au mieux l’intérêt de l’enfant.

 

Remarque :
La personne, l'établissement, l'organisme, l’organisation ou l'association qui prend en charge l'enfant abandonné est dénommé, le kafil.

Remarque :
L'âge de la majorité légale au Maroc est fixé à dix-huit ans (art. 209 du Code de la famille
marocain).

 

Quelle est la procédure de kafala au Maroc ?

  • Les futurs kafil doivent présenter une demande au juge des tutelles accompagnée des deux documents suivants:
-    un document établissant qu’ils remplissent les conditions pour pouvoir prendre en charge un enfant (conditions visées à l’art. 9, Loi n°15-01 du 13 juin 2002) (voir  Quelles sont les conditions de la kafala?)
-    une copie de l'acte de naissance de l'enfant (le kafil est en droit d’obtenir cet acte)
  • Le juge des tutelles, en vue de s’assurer le respect des conditions de la kafala, fait effectuer une enquête par une commission mixte. Si la nature de l'enquête l'exige, il peut également faire appel à toute personne qu’il estime nécessaire.
  • Le juge rend une ordonnance désignant la personne en charge de la kafala comme tuteur de l’enfant. Celle-ci est susceptible d’appel.
  • L’ordonnance est exécutée dans un délai de 15 jours par le tribunal de Première instance dont relève le juge des tutelles. Un procès-verbal de remise d’enfant au kafil est dressé.

Remarque :
La Commission mixte est composée d’un représentant de :
-    le Ministère public
-    l'autorité gouvernementale chargée des habous et des affaires islamiques
-    l'autorité locale
-    l'autorité gouvernementale chargée de l'enfance (art. 16, Loi n°15-01 du 13 juin 2002)

Remarque :
Les modalités de désignation des membres de la commission sont fixées par voie réglementaire.

 

Quel est le suivi de l'exécution de kafala ?

  • Le juge des tutelles de la résidence habituelle de l’enfant est tenu de contrôler l’évolution de la situation de l’enfant et le respect, par le kafil, de ses obligations. Dans ce cadre, s'il l'estime opportun, il peut ordonner que des enquêtes soient menées par:
- le Ministère public, l'autorité locale, l'assistante sociale légalement qualifiée pour cette mission, ou les autres parties compétentes,
- la Commission mixte (voir, Quelle est la procédure de kafala au Maroc ?)
  • Au vu des rapports rendus suites aux enquêtes, le juge peut ordonner l'annulation de la kafala et prendre toute mesure que nécessite l'intérêt de l'enfant. En plus, L'ordonnance du juge des tutelles est, de plein droit, assortie de l'exécution provisoire nonobstant tout recours.
  • Le kafil peut faire appel.
  • Le tribunal de première instance de la circonscription du lieu de résidence de la personne assurant la kafala est chargé de l'exécution de l'ordonnance.
  • En cas de refus du kafil d'obtempérer à l'ordonnance du juge des tutelles, celui-ci peut saisir le Ministère public, afin de faire procéder à l’exécution par la force publique, ou par tout autre moyen qu'il estime nécessaire pour la sauvegarde de l’intérêt de l'enfant.

 

Quels sont les effets de la kafala ?

  • Le kafil (les personnes, l'établissement, l'organisme, l'association ou l'organisation assurant la kafala) est chargé de l'entretien, de la garde et de la protection de l'enfant pris en charge, dans une ambiance saine,
  • L’obligation d’entretien de l’enfant perdure jusqu’à l’âge de la majorité légale ou du mariage lorsque l’enfant pris en charge est une fille. Il est maintenu lorsque l’enfant est handicapé ou incapable de subvenir à ses besoins,
  • Le kafil est civilement responsable des actes de l'enfant pris en charge, en ce compris les règles posées à l'article 85 du Code des obligations,
  • Le kafil peut bénéficier des indemnités et des allocations sociales allouées aux parents pour leurs enfants par l'État, les établissements publics ou privés ou les collectivités locales et leurs groupements. (art. 22, Loi n°15-01 du 13 juin 2002)
  • La kafala n’a, en principe, pas d’effet sur le nom de l’enfant. Toutefois, il semblerait possible que l’enfant puisse se voir attribuer le nom du kafil, s’il y est autorisé par décret (art. 20, Loi n° 37-99 relative à l’état civil, Dahir n° 1.02-239 du 3 octobre 2002).
  • L’enfant né à l’étranger de parents inconnus et pris en kafala depuis plus de 5 ans par un kafil marocain peut acquérir la nationalité marocaine (sauf opposition du ministre de la Justice). La demande est introduite par le kafil. A défaut, par l’enfant lui-même dans les deux ans précédant sa majorité (18 ans) (art. 6, Code de la nationalité marocaine).
  • Les dispositions du Code pénal sanctionnant les parents pour les infractions commises à l’égard de leur enfant s’appliquent également au kafil. Celles concernant les infractions commises par l’enfant à l’encontre de ses parents s’appliquent également en faveur du kafil (art. 30, Loi n°15-01 du 13 juin 2002).
  • Le juge des tutelles peut accorder un droit de visite aux parents de l’enfant ainsi qu’à ses poches (art. 27, Loi n°15-01 du 13 juin 2002).

 

Quel est l’effet de la dissolution du mariage des époux en charge de la kafala de l’enfant ?

Le juge des tutelles peut, soit ordonner le maintient de la kafala, d’initiaitve, à la demande de l’un des époux ou du Ministère public, soit prendre d’autres mesures appropriées.

 

Un enfant pris en charge peut-il être emmené à l’étranger en vue d’y résider de manière permanente ?

Le kafil peut quitter le territoire marocain en compagnie de l'enfant soumis à la kafala en vue de s'établir d'une manière permanente à l'étranger, pour autant qu’il bénéficie de l’autorisation du juge des tutelles (art. 24, Loi n°15-01 du 13 juin 2002).

 

Une fois le départ de l’enfant à l'étranger, qu’elle est l'institution chargée du contrôle de la kafala ?

Une copie de l'autorisation délivrée par le juge des tutelles en vue du départ de l’enfant est envoyée aux services consulaires marocains du lieu de résidence de la personne chargée de la kafala, afin de suivre la situation de l'enfant et de contrôler l'exécution par le kafil de ses obligations de tuteurs (voir Quels sont les effets de la kafala ?).
Les services consulaires adressent au juge des tutelles des rapports sur la situation de l'enfant et peuvent lui suggérer toutes mesures qu'ils estiment adéquates, en ce compris l'annulation de la kafala. Le juge prend, au vu des rapports précités, les mesures nécessaires dans l'intérêt de l'enfant, d'initiative, à la demande du Procureur du Roi ou de toute personne intéressée, et peut à cet effet avoir recours à une commission rogatoire (art. 24, Loi n°15-01 du 13 juin 2002).

 

Quand la kafala prend-elle fin ?

La kafala cesse pour l'un des motifs suivants (art. 25, Loi n°15-01 du 13 juin 2002):

−    La majorité de l’enfant (à l'exception de l'handicapé, l'incapable de subvenir à ses besoins et la fille non mariée),
−    Le décès de l'enfant,
−    Le décès des deux époux ou de la femme assurant la kafala,
−    La perte de capacité des deux époux ou de la femme assurant la kafala,
−    La dissolution de l'institution, l'établissement, l'organisme, ou l'association assurant la kafala,
−    L'annulation de la kafala par ordonnance judiciaire suite au manquement du kafil à ses devoirs de tuteurs, suite au désistement du kafil ou en raison de l’intérêt de l’enfant.

Remarque :
Le juge des tutelles peut accorder un droit de visite aux personnes qui étaient en charge de la kafala ou au représentant de l’organisme où l’enfant était placé.

 

Une décision de kafala peut-elle être reconnue en Belgique ?

Une décision de kafala peut être reconnue en Belgique, de plein droit (sans procédure), à l’instar de toute décision étrangère (art. 22 et 25 du Codip), pour autant qu’elle ne contrevienne pas à l’un des motifs de refus repris à l’art. 25 du Codip, à savoir :

- L’incompatibilité manifeste avec l'ordre public,
- La violation des droits de la défense,
- La fraude à la loi,
- La possibilité d’un recours ordinaire,
- L’incompatibilité avec une décision rendue en Belgique ou avec une décision déjà rendue à l'étranger susceptible d'être reconnue en Belgique,
- L’introduction de la demande à l'étranger après l'avoir introduit en Belgique sur le même objet et entre les mêmes parties,
- La compétence de l’autorité étrangère fondée uniquement sur la présence du défendeur.

Depuis la loi n° 15-01 du 13 juin 2002 relative à la prise en charge des enfants abandonnés la procédure de la kafala est une procédure judiciaire : l'autorisation de prise en charge est délivrée par le juge. Toutefois, il semble que la kafala adoulaire (notariale), dans certains cas, demeure dans la pratique.
On retrouve, dans la jurisprudence belge, cette distinction entre la kafala dite « judiciaire » et la kafala « adoulaire ».

  • Le tribunal de Première instance de Charleroi (arrêt du 11 décembre 2008, R.R. 07/3859/B) fait la distinction entre les deux en estimant la      « kafala notariale » comme une procédure qui « n'est pas organisée par cette loi (Loi n°15-01) et résulte d'un acte rédigé par deux adouls (notaires).(...) La loi n° 15-01 du 13.06.2002 ne lui est pas applicable. La« kafala» notariale ne concerne pas les enfants abandonnés ou orphelins et ne présente pas les garanties de la « kafala » judiciaire. Il s'agit d'une déclaration faite devant deux notaires (adouls) et dont les conséquences juridiques ne sont pas définies ».
  • La Cour d'appel de Bruxelle (arrêt du 22 avril 2009, n°2009/JA/2) estime que « la kafala adoulaire (notariale) (...) semble avoir une origine coutumière. Les adouls sont des officiers publics chargés d'établir des actes devant ultérieurement recevoir un caractère authentique. Ces notaires traditionnels, habilités à intervenir dans le domaine du statut personnel, n'ont pour responsabilité que de constater des déclarations ou témoignages, sans faculté d'appréciation sur l'opportunité de la mesure envisagée. L'acte de kafala adoulaire est assimilable à un contrat. Il est caractérisé par l'absence de contrôle judiciaire et a des effets limités. Il ne fait pas disparaître les droits et les obligations des parents légitimes à l'égard de l'enfant. Son homologation par le juge du notaire lui confère un caractère authentique mais ne le transforme pas en décision judiciaire ».


La kafala judiciaire est donc généralement reconnue par le juge belge car sa procédure bien définie donne suffisamment des garanties juridiques. La kafala notariale, par contre, semble plus difficilement reconnue en raison de sa nature, essentiellement privée, excluant toute assurance judiciaire.

 

La kafala est-elle considérée en Belgique comme adoption ?

Non.
La jurisprudence semble assez unanime à ne pas assimiler la kafala à l'adoption. En cause, la kafala ne crée pas de lien de filiation alors que l’adoption fait de l’adopté l’enfant de l’adoptant.

Pour exemples :

-  La Cour du Travail de Bruxelles (arrêt du 14 septembre 2005, D.N. c/ C.39, RG n° 40420) a jugé que la kafala est une institution qui ne génère pas de liens de filiation.
-  La Cour du Travail de Mons (arrêt du 3 septembre 2009, R.G. 21.342) vient réformer une décision du tribunal du Travail de Mons (arrêt du 9 septembre 2008, www.juridat.be ) qui assimilait la kafala à une adoption simple conférant ainsi le droit à la prime d’adoption. La Cour estime plutôt que « la kafala consiste en un engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur considéré comme « abandonné» au même titre que le ferait un parent pour son enfant, sans qu'il n'y ait instauration d'un quelconque lien de filiation. Il s'agit d'une institution qui s'apparente à une forme de transfert de l'autorité parentale, et qui n'équivaut pas à une adoption, même simple. Or, l'article 73quater des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés du 19 décembre 1939, au travers du 1° de son § 1er, subordonne l'octroi d'une prime d'adoption à la signature d'un acte d'adoption ». Pour ces considérations et conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants, le tribunal refuse l'octroi de la prime de l'adoption en estimant suffisant l'octroi des allocations familiales.

 

Quels sont, en Belgique, les effets d’une kafala au niveau civil ?


Au niveau civil, la kafala, si elle est reconnue, serait assimilée à une tutelle officieuse.

Le tuteur officieux se voit confier (art. 475bis et svt du C.civil belge):

- La charge d’entretenir l’enfant, de l’élever et de le mettre en état de gagner sa vie,
- L’administration des biens de son pupille, sans en avoir la jouissance et sans pouvoir imputer les dépenses d'entretien sur les revenus du mineur,
- L’exercice du droit de garde sur le pupille, pour autant que ce dernier ait sa résidence habituelle avec lui.                                    

 

Quels sont, en Belgique, les effets d’une kafala au niveau administratif: regroupement familial ?


En raison de l’absence de création d’un lien de filiation entre le kafil (personne en charge de la kafala) et l’enfant, le kafala n'ouvre pas le droit au regroupement familial.
L'Office des étrangers s'est prononcé sur ce point, en reprenant un arrêt du Conseil d'État (arrêt n°117.667 du 28 mars 2003) et a refusé la prolongation d'un visa sur base d'une kafala.

Toutefois, dans des circonstances particulières (ex : le décès des parents) et sur un examen au cas par cas des demandes, il arrive que l’Etat belge fasse usage, pour des raisons humanitaires, de son pouvoir discrétionnaire et attribue une autorisation de séjour à l’enfant confié en kafala.  

Quels sont, en Belgique, les effets d’une kafala au niveau social : allocations et prestations familiales?


Les allocations familiales, en référence aux attributaires (personnes ouvrant le droit aux allocations familiales), sont octroyées pour:

- les enfants pris sous tutelle officieuse par une personne ou son conjoint,
- les enfants pris sous tutelle officieuse par une personne avec laquelle l’attributaire forme un ménage de fait, les enfants pris sous tutelle officieuse par l’ex-conjoint, s'ils font  partie du ménage. Les enfants cités ont les mêmes droits lorsqu’ils sont placés en institution, à condition qu'ils faisaient partie du ménage de l'attributaire immédiatement avant leur placement;
- les enfants pris sous tutelle officieuse par la personne avec laquelle l’attributaire forme un ménage de fait et cohabite légalement, qui ne font pas partie de son ménage;
- les enfants faisant partie de son ménage qui lui ont été confiés ou qui ont été confiés à la personne avec laquelle il forme un ménage de fait, en application d’une décision judiciaire relative à l’octroi de la garde matérielle ou suite à une mesure de placement par l’intermédiaire d’une instance publique ou à charge de celle-ci;
- les enfants faisant partie du ménage, à l'égard desquels l'attributaire ou la personne avec laquelle il forme un ménage de fait a été investi de l'autorité parentale par jugement du tribunal de la jeunesse.

L’enfant pris sous kafala et faisant partie du ménage pourrait bénéficier des allocations familiales.

Pour exemple, la Cour de Cassation (arrêt du 23 octobre 2006, S.
05.0133.F http://www.rkw.be/Fr/Documentation/Events/2005/2005%20archives%20Jurisprudence.pdf ) précise qu’en vertu 62, §3, 2° des lois coordonnées relative relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, un lien de filiation n'est pas nécessaire pour bénéficier des
allocations familiales.

Remarques :
- Pour les travailleurs salariés, voir les lois coordonnées du 1939 relatives aux allocations familiales
pour travailleurs salariés à l'art. 51 a.3 et la loi du 20 juillet 1971.
- Pour les indépendants, voir la loi du 29 mars 1976 relative aux prestations familiales des
travailleurs indépendants et l'Arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations
familiales en faveur des travailleurs indépendants. Dans ce cas les allocations familiales
sont accordées à la même catégorie d'enfants que pour les travailleurs salariés.
- Deux personnes forment un ménage de fait si :

•    elles cohabitent à la même adresse (selon le Registre National ou une autre source officielle),
•    elles ne sont ni parentes ni alliées jusqu’au troisième degré inclus (ex : pas les époux, les parents, les beaux-parents, les enfants, les frères, les demi-sœurs, les grands-parents, les oncles ni les tantes),
•    elles contribuent, chacune, à régler conjointement leurs problèmes ménagers, financièrement ou d’une autre manière.

(Voyez la la loi du 12 août 2000 portant des dispositions sociales, budgétaires et diverses, M.B., 31 août 2000). 

18. La kafala peut-elle donner suite à une adoption?

Depuis la nouvelle loi sur l'adoption, toute procédure d’adoption en faveur d’adoptants résidants en Belgique, doit être initiée et encadrée en Belgique. En effet, les futurs adoptants doivent suivre, préalablement à toutes démarches à l’étranger, une préparation à l’adoption et obtenir un jugement belge les déclarant qualifiés et aptes à adopter un enfant. Tout contact préalable avec l’enfant est interdit sauf s’il existe avec celui-ci un lien de famille au sens large.

Cette interdiction de contacts préalables limite fortement les possibilités d’adoption en faveur de la personne qui a pris un enfant en charge (hors lien familial au sens large).  

Par ailleurs, l’adoption d’un enfant résidant dans un Etat qui ne connaît pas de l’adoption (tel le Maroc), peut être prononcée en Belgique mais sous certaines conditions particulières dont celle notamment que l’enfant doit être orphelin de père et de mère ou avoir été abandonné et placé sous la tutelle de l'autorité publique (art. 361-5 C.civ.).

Toutefois, lors de la modification de la loi sur l’adoption, de mesures transitoires ont été prises concernant la situation des enfants placés sous kafala avant le 26 décembre 2005 (date de l’entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2005 insérant l’article 365-1 C.civ.).  L’adoption en Belgique d’enfant confiée en kafala avant cette date sera facilitée, sous certaines conditions pouvant variées si la kafala a été prononcée avant le 1er septembre 2005 ou entre le 1er septembre 2005 et le 26 décembre 2005.

Dés lors, la personne qui souhaite adopter un enfant résidant au Maroc est tenue de prendre contacts avec les autorités belges compétentes en matière d’adoption avant d’entamer toute démarche relative à une kafala au Maroc.

Pour plus d’informations sur les autorités belges compétentes en matière d’adoption et sur les différentes conditions imposées en vue d’une adoption d’un enfant résidant au Maroc, voyez la Fiche pratique « Adoption », la Question « Est-il possible d’adopter un enfant qui réside dans un pays qui ne connaît pas de l’adoption ? ».

Bases légales


- Loi n°15-01 du 13 juin 2002 relative à la prise en charge (kafala) des enfants abandonnés, Dahi n°1.02.172 du 1er rebia II 1423, Bulletin Officiel n° 5036 du Dimanche 15 Septembre 2002.
- Décret n°2-03-600 du 18 rabii II 1425 du 7 juin 2004 portant application de l’article 16 de la loi n°15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés.