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Regroupant pays tiers  - Conventions bilatérales :

La Belgique a conclu, dans les années 1960-1970, différentes conventions bilatérales avec le Maroc, la Turquie, l'Algérie, la Tunisie, la Serbie, le Monténégro, la Croatie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine[1] afin de faciliter le recrutement de main d'œuvre étrangère.

Les ressortissants des pays ayant signé ces conventions bilatérales avec la Belgique sont soumis, pour le regroupement familial, aux conditions énoncées dans ces textes.

Cette hypothèse est prévue à l'article 10 §1, 1° de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers selon lequel :

"§ 1er. Sous réserve des dispositions des articles 9 et 12, sont de plein droit admis à séjourner plus de trois mois dans le Royaume :

   1° l'étranger dont le droit de séjour est reconnu par un traité international, par une loi ou par un arrêté royal;".

Qui peut être rejoint ?

Le regroupant doit être ressortissant d'un des pays ayant signé une convention bilatérale relative à l'emploi avec la Belgique. Il doit être établi et occupé en Belgique.

Qui peut rejoindre ?

Le regroupé peut être le conjoint et/ou les enfants mineurs à charge selon leur loi nationale. L'âge de la majorité est fixé à 18 ans dans ces pays, sauf en Algérie (19 ans) et en Tunisie (20 ans). Dans la Convention conclue avec la Turquie, le regroupé peut, dans des cas particuliers, être un ascendant à charge. Il faut souligner que ce n'est pas un droit automatique, en effet,  "le travailleur doit obtenir une autorisation de séjour provisoire, justifier la demande par des circonstances particulières et démontrer la prise en charge de l'ascendant"[2].

A quelles conditions ?

L'étranger qui se fait rejoindre doit, en principe, avoir travaillé au moins pendant trois mois. La Convention conclue avec la Turquie prévoit, quant à elle, une durée d'un mois et non de trois. Le travailleur ne doit pas être nécessairement "en activité au moment où son conjoint et/ou ses enfants le rejoignent"[3].

Il doit également disposer d'un logement convenable pour sa famille. Le Gouvernement et les employeurs belges aident les travailleurs à trouver ce logement.

Ces conditions semblent donc plus favorables que celles découlant du droit commun au regroupement familial.

L’impact de la réforme du regroupement familial ?

La loi du 8 juillet 2011 modifiant la loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers en ce qui concerne les conditions dont est assorti le regroupement familial, a limité drastiquement le champ d’application de ces conventions.

L'article 15 de la loi du 8 juillet 2011 dispose que les ressortissants d'un des pays ayant signé une convention bilatérale relative à l'emploi ne peuvent puiser "de droits dans la convention relative à l'emploi correspondante que si :

  1° la personne rejointe a acquis son droit de séjour dans le Royaume avant de se rendre dans le Royaume en raison d'une occupation dans le cadre et sous les conditions de cette convention relative à l'emploi, et que;

  2° le lien de filiation, le lien conjugal ou le partenariat enregistré est préexistant à l'arrivée de la personne rejointe dans le Royaume".

Cette disposition a pour but, comme le prévoient les travaux préparatoires, de "donner une interprétation stricte aux  accords bilatéraux conclus avec le Maroc, la Turquie, l’Algérie,  la Tunisie, la Serbie, le Monténégro, la Croatie, la Macédoine  et la Bosnie-Herzégovine".

Selon le législateur, la nouvelle interprétation desdites conventions permet également de mettre fin à la différence de traitement entre les étrangers visés par ces conventions et les autres étrangers. En effet, ces accords avaient été conclus dans les années 1960-1970, pour amener de la main d'œuvre étrangère en Belgique. Ainsi, "la réglementation relative au regroupement  familial prévue par ces conventions était beaucoup plus souple  que celle qui était appliquée aux autres pays". Lors des travaux préparatoires, il a été relevé que "ces conventions octroient automatiquement aux personnes ayant une des nationalités susvisées des conditions plus  favorables en matière de regroupement familial et de constitution de famille que la réglementation prévue à l’article 10,  § 1er, alinéa 1er, 4° de la loi sur les étrangers"[4].

Ce changement législatif s’appuie sur une jurisprudence antérieure du Conseil du contentieux des étrangers et du Conseil d’Etat[5].

Néanmoins, Catherine Fonck avait proposé de supprimer cet article 15 parce que selon elle, "la disposition proposée vise à donner une interprétation restrictive aux conventions relatives à l’emploi (…). Il n’appartient pas au législateur de modifier le contenu des  accords passés avec les pays étrangers"[6]. Cependant, sa proposition n'a pas été suivie.

Cette position a été avalisée par la Cour constitutionelle selon laquelle "Le législateur a voulu préciser le champ d’application (...) du régime dérogatoire qui s’applique en vertu d’accords bilatéraux avec certains pays. Parce qu’il se serait avéré que les accords visés ont parfois été appliqués de manière plus souple dans la pratique que ce qui est prévu, le législateur a confirmé l’interprétation des accords précités, telle qu’elle ressort des discussions parlementaires précédant leur adoption et de la jurisprudence (...) (et) ne vis(ait) pas à modifier le contenu des accords précités" (CC, 121/2013, 26 septembre 2013, B.68.4.).

Ces deux conditions restrictives impliquent que seuls les travailleurs venus dans les années 60 pourraient en théorie bénéficier de ces Conventions pour être rejoints par leur famille déjà constituée à l’époque. Cette restriction rend en réalité les accords obsolètes.

Quelle procédure ?

Pour les conditions de procédure, et les recours, nous nous référons aux règles de droit commun c'est-à-dire à l'article 12bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (voir fiche pratique "Regroupement familial avec un ressortissant de pays tiers : ressortissants non UE en séjour illimité").



[1] Ces conventions ont été approuvées par la loi du 16 décembre 1976, M.B., 17 juin 1977.

[2] M. NYS, L'immigration familiale à l'épreuve du droit: le droit de l'étranger à mener une vie familiale normale, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.335.

[3] M. NYS, ibidem, p.335.

[4] Chambre, sess. ord., 2010-2011, DOC 53 n°443/17, amendements, p. 6 à 8.

[5] C.E., 20 janvier 1983, n°22 867; C.C.E., 29 avril 2009, n°26 661.

[6] Chambre, sess. ord., 2010-2011, DOC 53 n°443/20, amendements, p. 36.