Les documents équivalents à l’acte de naissance délivrés par les ambassades, une preuve d’état civil admise en droit !

L’article 64 du Code civil requiert, pour toute personne qui désire se marier, de déposer une copie conforme de son acte de naissance. Cette exigence peut constituer une épreuve pour le futur époux étranger et originaire d’un pays éloigné, sans famille ou dont celle-ci réside dans les campagnes. Les démarches administratives pour l’obtention d’un tel acte se révèlent souvent un obstacle, en raison de leur coût et de la distance à parcourir pour l’obtention et la légalisation du document. Le législateur, sensible à cette situation[1], a mis en place un mécanisme de remplacement de l’acte de naissance qui autorise notamment l’intéressé à déposer un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires de son pays de naissance.

En pratique, l’on constate que les futurs époux éprouvent souvent des difficultés à faire valoir ces documents auprès des autorités communales, avec comme conséquence le blocage de leur procédure de mariage, voire le refus d’acter la déclaration de mariage.

Or, rappelons-le, dans le cadre d’une telle procédure, cette opportunité est expressément prévue par le Code civil. Le législateur était déjà intervenu, depuis de longue date, afin de pallier l’impossibilité de produire l’acte de naissance par la production d’un acte de notoriété. En 2007[2], la loi a élargi les possibilités de remplacement de l’acte de naissance dans le cadre du mariage. Depuis lors, l’article 70 du Code civil stipule qu’ « en cas de naissance à l’étranger (…), l’époux qui se trouve dans l’impossibilité de se procurer son acte de naissance doit[3] produire un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires de son pays de naissance ». Ce n’est qu’après avoir démontré l’impossibilité[4] ou la difficulté sérieuse de présenter ce document que la procédure de l’acte de notoriété pourra être activée.

Le dépôt d’un document diplomatique qui atteste, sous la responsabilité de l’autorité délivrante, de la date et du lieu de naissance[5] représente dès lors l’« alternative prioritaire » [6] à l’acte de naissance. Il était discuté, dans les travaux préparatoires, de laisser le choix à l’intéressé de présenter un document diplomatique ou un acte de notoriété. Aux termes des discussions, le législateur a tenu à articuler le mécanisme de remplacement en termes de « cascade »[7] estimant, pour les personnes nées à l’étranger, que le document délivré par l’autorité diplomatique était davantage fiable que l’acte de notoriété qui repose sur le témoignage de deux personnes[8] et devait être recherché en priorité.

A ceux qui ne résistent pas à émettre certains doutes quant à la rigueur avec laquelle les documents équivalents sont délivrés, il y a lieu de rappeler d’une part que cette exception n’a pas de portée générale, elle se restreint à la procédure pour laquelle elle a été engagée (mariage ou obtention de la nationalité). Et d’autre part, qu’on ne peut manquer de mettre en balance cette incertitude avec le droit fondamental au mariage consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 12). Peut-on raisonnablement refuser à une personne l’accès au mariage parce qu’elle est dans l’impossibilité de produire son acte de naissance ? La volonté du législateur a été celle de trouver un juste équilibre entre la vérification des empêchements à mariage et le droit au mariage[9], sans imputer au futur époux les conséquences de l’impossibilité de produire l’acte de naissance.

Pour preuve, à une question parlementaire qui lui est posée, le ministre de la Justice répond que si l’officier de l’état est chargé d’apprécier l’impossibilité de produire une acte de naissance, « il ne saurait toutefois, une fois cette impossibilité constatée, refuser le dépôt d’un document équivalent délivré par les autorités diplomatiques ou consulaires du pays de naissance »[10]. Citons également la décision du tribunal de Première instance de Liège du 6 mars 2009 qui considère, quant au refus de la commune de recevoir une attestation de naissance délivrée par l’ambassade du Congo, qu’ « il ne nous appartient pas de remettre en cause la crédibilité de ce document, dès lors que cette autorité légalement reconnue en Belgique a exercé régulièrement sa mission en matière d’état civil »[11].

A côté de ce prescrit légal belge, qu’en est-il de l’analyse de la réception de ces documents diplomatiques sous l’angle du droit international privé?

La question de la réception dans l’ordre juridique belge des actes étrangers attestant du fait de la naissance relève de la force probante. Celle-ci « appréhende l’acte comme un instrument de preuve »[12], elle consiste à donner foi aux faits constatés dans l’acte étranger et ne s’attache pas aux effets de droit qu’il pourrait produire (ceux-ci relèvent de la reconnaissance).

La force probante concerne les actes de naissance - lorsqu’ils servent à prouver la naissance (et non le lien de filiation) - ou les documents équivalents, mais également d’autres documents délivrés par les autorités diplomatiques et consulaires, tels les attestations célibat. L’autorité belge confrontée à ces documents s’interrogera si l’on peut tenir pour vrai la date et le lieu de naissance de l’intéressé ou encore, le fait qu’il ne soit pas marié.

Un acte étranger aura force probante en Belgique s’il satisfait aux conditions d’authentification[13] et aux formalités prévues par le droit de l’Etat dont émane l’autorité qui l’a dressé[14]. A cet égard, la compétence de l’ambassade ou du consulat en matière d’état civil est à vérifier dans le droit interne ou international applicable dans ce pays. Pour exemple, la Convention de Vienne sur les relations consulaires [15] reconnait, aux ambassades[16] et consulats des pays qui en sont membres[17], la fonction consulaire d’ « agir en qualité d’officier de l’état civil et d’exercer des fonctions similaires (…) pour autant que les lois et les règlements de l’Etat de résidence ne s’y oppose pas ».

A considérer qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public (ce qui serait peu vraisemblable à l’égard des attestations de naissance ou de célibat), les constations reprises dans l’acte couvert de la force probante seront présumées exactes tant que la preuve contraire ne sera pas rapportée[18].

Au vu de ce qui précède, à défaut de disposition spécifique semblable à celle qui organise le mécanisme de substitution de l’acte de naissance, l’autorité belge ne peut se justifier d’une suspicion systématique à l’égard d’un document diplomatique qui lui est soumis et s’épargner le raisonnement de dip pour apprécier sa validité. Si l’acte répond aux conditions de la force probante, les événements qu’il contient (naissance, célibat,…) devraient être tenus pour vrai jusqu’à preuve du contraire.



[1] Loi du 1er mars 2000 modifiant certaines dispositions relatives à la nationalité belge, Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. parl., Sénat, session 1999 - 2000, n° 2-308/3.

[2] Loi du 9 mai 2007 modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de faciliter la preuve de l’état des personnes à défaut d’acte de l’état civil, M. B., 15 juin 2007.

[3] Nous soulignons.

[4] Sur la notion d’impossibilité, voyez notamment Civ. Bruxelles (27ème ch.), 16 octobre 2012, RDE, n° 170, p. 619. Le juge cite l’interprétation donnée par le ministre de la Justice auprès du Parlement : la distance, les difficultés de communication, l’état de guerre, l’impossibilité matérielle ou financière de retourner au pays peuvent être retenus comme «causes d’impossibilité », la notion devant être appréciée avec souplesse.

[5] A-Ch. Van Gysel, « Les difficultés relatives à la preuve de l’état civil des étrangers en Belgique : perspectives de solutions », RDE, n° 154, p. 334, note 11.

[6] Doc. parl., Sénat, session 2005 - 2006, n° 3-54/3, p. 5.

[7] L’acte de notoriété qui ne mentionne pas les causes qui rendent impossible la production d’un acte de naissance ou d’un document diplomatique équivalent ne permet pas au tribunal d’exercer son contrôle quant aux causes d’empêchement et ne peut être homologué. Bruxelles (3ème ch.), 26 février 2002, J.T., n°6089, 11/2003, p. 216.

[8] Rapport fait au nom de la Commission de la Justice, Doc. parl., Sénat, session 2005 - 2006, n° 3-54/4, p.20.

[9] Ibidem, p. 15.

[10] Question orale n° 2-259 de Mohamed Diaf, Annales parlementaires, Sénat, séance plénière du 18 mai 2000, Doc. parl., n° 2-46. Voyez également la question orale n° 2-308 de Clotilde Nyssens, Annales parlementaires, Sénat, séance plénière du 29 juin 2000, Doc. parl., n° 2-59.

[11] Civ. Liège, 6 mars 2009, Newsletter ADDE, n°44. Voyez également, Civ. Bruxelles, 16 octobre 2012, RDE, n° 170, p. 619 : le tribunal déclare sans objet la demande d’homologation de l’acte de notoriété par la présence au dossier d’un document délivré par l’ambassade du Burundi considéré comme équivalent à l’acte de naissance.

[12] J-L. Van Boxstael, Code de DIP, premiers commentaires, Répertoire notarial, Larcier, p. 71.

[13] Les documents émanant des ambassades et consulats étrangers en Belgique sont légalisés par le SPF Affaires étrangères, sauf une éventuelle dispense prévue par une convention internationale.

[14] Art. 28, § 1 Codip.

[15] Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, art. 5, f).

[16] Les fonctions consulaires sont exercées par des postes consulaires ou diplomatiques. Convention de Vienne, art. 3.

[17] Pour exemple, le Congo (RDC), la Guinée, l’Angola, l’Algérie ou le Maroc sont parties à ladite convention.

[18] Art. 28, §1, al.2, §2, Codip.

Caroline Apers, juriste ADDE

Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.